Paris Web 2013

En avril de cette année, j’ai été contactée par Xavier Borderie, l’un des organisateurs de Paris Web (à ne pas confondre avec LeWeb, le grand raoût de Loïc Le Meur, qui s’y déguise parfois en Angry Bird).

La requête de Xalogo Paris Webvier était simple : que je propose, pour l’édition 2013, une conférence ayant trait au hacktivisme, pour, me disait-il, « continuer à explorer l’impact que peut avoir le web sur la société […] afin de garder une vision technique des actions citoyennes ». Ou une vision citoyenne des actions techniques, ai-je immédiatement pensé.

Même si le « fil à plomb » de Paris Web porte plus sur les questions de design, d’ergonomie, d’accessibilité, etc. que sur les questions citoyennes, ce n’était pas une première : l’an dernier, Fred Bardeau s’était déjà collé à ce genre d’exercice, dans la foulée de son livre avec Nicolas Danet sur Anonymous.

Je ne fais pas mystère du fait que l’articulation des questions techniques/numériques et des questions politiques/sociales n’est pas uniquement, pour moi, un « objet » ou un « créneau » journalistique, mais un enjeu réellement politique, au sens large. Quand on me demande de parler de mon travail, je me définis volontiers comme une interface, entre les experts de ces questions, et ceux pour qui tout ça est encore un peu nébuleux. Entre ceux qui voient bouger en profondeur les lignes de force, et ceux qui restent encore à la surface du réseau. Une interface non neutre, certes. Une interface, c’est à mon sens ce que devrait être tout journaliste. Nous ne sommes pas juste des observateurs de la société, nous en sommes aussi des acteurs, c’est un truisme de le rappeler.

Raison pour laquelle je saisis le plus d’occasions possibles de parler de tout ça — pas seulement par des reportages ou des analyses dans divers médias, mais aussi via des conférences, des cours, etc.

Aller parler aux « gens qui font le web », i.e. ceux qui ont les mains dans le cambouis, qui parfois s’interrogent sur l’impact des mutations numériques, mais pas toujours, me semblait être une bonne idée. J’ai donc soumis une proposition intitulée « La rencontre entre hacktivisme et sociétés civiles, un enjeu pour les libertés numériques » qui a été retenue par le staff de Paris Web.

Un ami hacktiviste que je ne dénoncerai pas ici 😉 semblait presque étonné que je me rende dans un rendez-vous, disait-il, de « commerciaux du web », même s’il trouvait ça « louable » (avait-il, lui aussi, confondu avec LeWeb ?). J’étais à peu près certaine qu’il se trompait : il ne faut jamais présupposer de la capacité, ou de l’incapacité, d’un public donné à se saisir de questions fondamentalement politiques. Mais toujours parier, au contraire, sur l’intelligence des gens à qui on s’adresse, sur leur aptitude à la réflexivité et à penser outside the box, hors de la boîte.

Je n’ai pas été déçue. L’accueil a été très bon, dans la salle comme sur Twitter, et les questions et réflexions ont fusé à la fin de ma présentation. Il en ressortait nettement que les artisans du web d’aujourd’hui ne sont pas du tout insensibles, bien au contraire, à la manière dont l’Internet est un enjeu de rapports de force à l’échelle planétaire, ni aux dangers que représentent la montée de la surveillance numérique et l’accroissement exponentiel des traces que nous laissons sur le réseau. Et le débat aurait pu, je crois, continuer longtemps.

Ce matin encore, l’un des fondateurs de l’événement me disait par e-mail avoir eu quelques échos sur le thème « ça fait du bien d’avoir ce genre de sujet à Paris Web ».

Ce qui me confirme qu’il y a bien un enjeu, pour le devenir des libertés civiles en ligne, à la rencontre entre les communautés hacktivistes, les communautés du Net et le grand public — mais aussi que, manifestement, ça progresse. C’est plutôt une bonne nouvelle.

En attendant la mise en ligne de la vidéo (avec, à mi-parcours, une vilaine petite toux liée à un défaut d’hydratation), vous pouvez jeter un œil aux slides, que vous pouvez librement partager et remixer en respectant les conditions de la licence CC BY-NC-SA.

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Merci à l’équipe de Paris Web pour son accueil, et à la prochaine !

7 commentaires:

  1. Oui, ça fait du bien d’entendre parler de libertés numériques et d’hacktivisme à Paris Web. J’ai apprécié ton traitement complet et sans complaisance, merci beaucoup !

  2. Hello. Tu diras à ton ami qu’à Paris Web, nous sommes en grande majorité des techniciens et pour moi, très loin d’être une commerciale du web… L’accessibilité, ça concerne aussi ceux qui ne peuvent pas s’exprimer comme ils le souhaitent.
    Je plussoie Romy, oui ça fait du bien 🙂 Encore merci, j’ai très apprécié aussi.

  3. Je pense que quand il disait « commerciaux », il pensait moins en termes de fonction qu’en termes d’univers, mais il est fort probable qu’il ait confondu avec LeWeb 😉
    Parlant d’accessibilité, je crois que c’est la première fois que je participe à un événement dont toutes les confs sont traduites en langue des signes. Mon interprète a dû un peu en baver, la pauvre, je parle vite je crois :/

  4. Je n’ai pas pu te le dire, car le temps nous était limité à tous, mais j’ai adoré ta conférence. Et surtout, si j’ai pris le ton de la gaudriole le lendemain, elle ma’ très bien préparée le terrain.

    Merci à toi, merci à l’équipe de Paris Web.
    Et qui sait, peut-être à Toulouse pour le THSF ?

  5. Je suis heureuse, Amaëlle, d’avoir l’occasion via ce commentaire de te remercier pour ta conférence tout comme j’ai remercié Paris Web de l’avoir programmée. Elle m’a fait un bien fou. Elle m’a permis de me remettre à niveau sur des questions que je devrais maîtriser vu mon média. Mais elle a fait plus que ça, elle provoquer un déclic quant-à ma responsabilité vis-à-vis du grand public à transmettre les enjeux qui se jouent en ce moment même. (Elle m’a même inspirée un article : Internet et société : la responsabilité des professionnels)

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